Comment se préparer au coronavirus sur les lieux de travail

17 mars 2020

L’inquiétude continuant d’augmenter à l’échelle mondiale, et à la lumière des nouvelles d’hier concernant le premier cas présumé de coronavirus dans le Canada atlantique, les employeurs de cette région devraient réfléchir à la manière de réagir si le coronavirus apparaît sur les lieux de travail.

Qu’est-ce que le coronavirus ?

La COVID-19, communément appelé coronavirus, est un virus qui peut provoquer des symptômes allant de ceux normalement associés au rhume commun à ceux de maladies respiratoires graves. Santé Canada indique qu’il peut ne pas y avoir de symptômes pendant les 14 jours suivant l’exposition d’une personne au virus. Certaines personnes atteintes du coronavirus peuvent rester asymptomatiques. D’autres peuvent avoir de la fièvre, de la toux, de la difficulté à respirer ou une pneumonie. Dans une population vulnérable, les infections qui en résultent peuvent être mortelles. Le coronavirus peut se transmettre à partir d’une personne infectée par des gouttelettes respiratoires lors de la toux ou de l’éternuement, ou par un contact personnel étroit et prolongé. Le virus peut également être contracté lorsqu’une personne touche un objet sur lequel se trouve le virus, puis, sans se laver les mains de la bonne façon, se touche la bouche, le nez ou les yeux. Bien que l’Agence de la santé publique du Canada affirme qu’actuellement le risque de contracter le coronavirus est faible pour les Canadiens, il n’existe pour le moment aucun vaccin pour protéger contre la COVID-19. En date du 12 mars 2020, 103 cas de coronavirus ont été confirmés au Canada, dont un décès.

Quelles sont les obligations légales des employeurs ?

Étant donné l’incidence des cas de COVID-19 au Canada, les employeurs devraient réfléchir à la manière dont ils vont réagir aux problèmes liés au coronavirus sur les lieux de travail. Pour réagir de la bonne façon, l’employeur doit avoir une bonne compréhension de ses obligations légales envers ses employés. La législation décrite ci-dessous représente les obligations légales imposées aux employeurs du Canada atlantique. Bien que cet article se concentre sur ces obligations légales, les employeurs doivent également être conscients des éventuelles obligations créées par d’autres voies, par exemple les politiques, une convention collective ou un contrat de travail.

a) Santé et sécurité au travail

Partout au Canada atlantique, la législation sur la santé et la sécurité au travail oblige les employeurs à offrir à leurs employés un lieu de travail sûr. L’employeur doit prendre temoutes les précautions raisonnables pour garantir la santé et la sécurité de ses employés, notamment en s’efforçant d’identifier les risques et de mettre en place des contrôles appropriés pour y faire face. Dans certaines circonstances, un employeur peut demander qu’un employé qui présente des symptômes rentre chez lui (et reste chez lui) afin de protéger les autres employés sur le lieu de travail.

L’obligation de l’employeur de fournir un environnement de travail sûr est associée au droit de l’employé de refuser un travail dangereux lorsqu’il a des motifs raisonnables de croire que sa santé et sa sécurité sont susceptibles d’être mises en danger. La législation sur la santé et la sécurité au travail de chaque province du Canada atlantique traite des mesures à prendre en cas de refus afin que l’employé puisse retourner au travail en toute sécurité.[1] Les employés qui refusent un travail dangereux peuvent être réaffectés ; cependant, étant donné la nature des plaintes possibles liées au coronavirus, il est peu probable qu’un employé puisse être transféré à un autre poste sur le même lieu de travail. Le travail à distance peut être possible et approprié, dans certaines circonstances.

Les droits des employés ne sont pas absolus et un employeur ne peut être contraint de céder aux notions irrationnelles, subjectives ou idiosyncrasiques d’un employé en matière de santé. Le droit de refuser de travailler ne naît que lorsqu’il existe un sentiment raisonnable que la santé de l’employé est en danger. Par exemple, un employé qui est tenu de se déplacer dans le cadre de ses fonctions peut raisonnablement refuser de voyager, en particulier dans une région où le risque de contracter la COVID-19 est élevé ou dans laquelle il peut être exposé à des personnes qui peuvent avoir voyagé à partir d’une de cette région. Dans ces circonstances, l’employeur devrait se fier aux « Conseils aux voyageurs » du gouvernement du Canada pour déterminer le niveau de risque.

b) Normes en matière d’emploi/travail

La législation sur l’emploi et les normes du travail de chaque province de la région prévoit plusieurs types de congés sans solde que les employés peuvent prendre pour eux-mêmes ou pour s’occuper de membres de leur famille qui ont contracté la COVID-19.[2]  À moins qu’il n’existe une exigence établie sur le lieu de travail ou dans le contrat de travail à cet effet, les employeurs ne sont pas tenus d’accorder aux employés un congé de maladie payé (mais voir l’exception dans la législation de l’Î.-P.-É. ci-dessous). Bien qu’il puisse y avoir obligation légale de fournir une note d’un médecin après une absence d’une certaine durée, le gouvernement canadien suggère aux employeurs de ne pas en demander, pour éviter de placer une pression supplémentaire sur le système de soins de santé pendant l’épidémie.

Les employés de Nouvelle-Écosse ont également droit à un congé sans solde lorsqu’une urgence les empêche d’exercer leurs fonctions. Le terme « urgence » a plusieurs définitions, dont celle d’une urgence de santé publique déclarée par le ministre de la Santé. Les congés d’urgence se poursuivent tant que l’urgence empêche l’employé de remplir ses fonctions et se termine le jour où l’urgence prend fin ou lorsque l’urgence n’empêche plus l’employé de remplir ses fonctions. Aucune autre province du Canada atlantique n’a de disposition semblable en matière de normes d’emploi/travail.

Enfin, les employés peuvent également demander un congé sans solde pour s’occuper d’un enfant ou d’un adulte gravement malade. Pour pouvoir demander ce type de congé, le salarié doit avoir été employé pendant une période minimale et un professionnel qualifié médicalement doit délivrer un certificat attestant que la personne est gravement malade et qu’elle a besoin des soins et du soutien du salarié.

c) Indemnisation des travailleurs

Des questions peuvent se poser quant au droit d’un employé de demander une indemnisation pour le travail manqué en raison de la COVID-19. Cette législation prévoit généralement que les commissions des accidents du travail respectives de chaque province du Canada atlantique verseront une indemnité à un employé qui subit préjudice découlant d’un accident survenu dans le cadre de son emploi.

Lorsqu’ils déterminent si le préjudice « découle de l’emploi»[3], les tribunaux canadiens ont interprété cette expression comme incluant les activités accessoires à l’emploi. Par conséquent, un employé qui travaille dans un secteur où l’exposition au coronavirus fait partie de sa profession, comme un professionnel de la santé, peut avoir une réclamation au titre de la maladie professionnelle entraînant une invalidité.

d) Droits de la personne et discrimination

Les situations liées à la maladie ne sont pas une caractéristique individuelle protégée en vertu de la législation sur les droits de la personne au Canada atlantique. Ceci étant dit, la législation sur les droits de la personne protège effectivement les employés contre la discrimination fondée sur un handicap physique ou mental. Bien qu’il soit généralement admis que les maladies temporaires transitoires ne constituent pas un handicap physique, lors de l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) de 2003, le SRAS a été traité comme un « handicap » dans le cadre du Code des droits de la personne de l’Ontario. Par conséquent, un individu victime de la COVID-19 peut avoir droit à des protections en vertu de la législation sur les droits de la personne.

Un autre motif interdit important et unique à prendre en considération en Nouvelle-Écosse est la discrimination fondée sur « une crainte irrationnelle de contracter une maladie ou une affection ». Cette protection des droits de la personne interdit aux employeurs d’exercer une discrimination à l’encontre des employés qui ont été diagnostiqués avec des maladies ou des affections lorsqu’il n’y a aucune raison rationnelle de craindre la transmission ou la propagation de la maladie ou de l’affection. Par exemple, une commission d’enquête sur les droits de la personne de Nouvelle-Écosse a jugé que le licenciement d’un employé qui avait autrefois eu une hépatite, au motif qu’il pouvait transmettre la maladie aux enfants avec lesquels il travaillait, était discriminatoire parce que l’employé n’était plus contagieux. Les employeurs de Nouvelle-Écosse qui prennent la décision de renvoyer un employé malade chez lui devraient donc mettre l’accent sur la santé et la sécurité de l’employé plutôt que sur la crainte de transmission.

Les employés qui sont obligés de s’absenter du travail pour s’occuper de membres de leur famille peuvent également être protégés contre la discrimination et avoir droit à des accommodements en raison de leur situation familiale. L’application de l’obligation d’accommodement dépendra de nombreux facteurs. Lorsqu’un employé souhaite prendre un congé pour s’occuper d’un membre de sa famille en raison de la COVID-19, l’employeur doit évaluer soigneusement les circonstances particulières afin de déterminer si l’obligation d’accommodement s’applique.

Enfin, les idées fausses et les stéréotypes concernant les personnes susceptibles d’être porteuses du coronavirus en raison des origines présumées de la COVID-19 ne devraient pas être tolérés. Ces notions sont sans fondement et toute action d’un employeur visant à discriminer sur la base de la race, de la couleur, de l’origine ethnique ou nationale enfreint la législation sur les droits de la personne.

e) Préoccupations de confidentialité

En règle générale, les employeurs ne doivent pas divulguer l’identité des personnes diagnostiquées ou soupçonnées d’être atteintes du coronavirus. Par exemple, la législation sur les normes du travail de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador oblige l’employeur à préserver la confidentialité de toute question dont il a connaissance en rapport avec un congé pris par un employé. L’employeur ne peut pas divulguer ces renseignements, sauf avec le consentement écrit de l’employé, et uniquement aux employés qui en ont besoin pour exercer leurs fonctions, ou lorsque la loi l’exige.[4]  En outre, un employeur soumis à la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) doit protéger les renseignements personnels de ses employés lorsque ces renseignements peuvent identifier la personne.

Les renseignements permettant d’identifier la santé physique ou mentale d’une personne sont également protégés par la législation des quatre provinces du Canada atlantique.[5] Bien que la plupart des employeurs ne soient pas gardiens des renseignements personnels sur la santé tels que définis dans les législations respectives, les employeurs doivent être conscients de la nature confidentielle de ces renseignements. Concrètement, la protection des renseignements sur les employés qui ont ou peuvent avoir la COVID-19 permet d’éviter un traitement défavorable de l’employé infecté sur le lieu de travail, mais leur divulgation peut dans certains cas être nécessaire pour répondre aux préoccupations liées à l’épidémie.

f) Assurance-emploi

La Loi sur l’assurance-emploi fédérale prévoit des prestations de chômage pour les assurés qualifiés. Cette législation définit l’assuré comme une personne qui exerce ou a exercé un emploi assurable. Une personne assurée est admissible si elle :

  1. a subi une interruption de ses revenus d’emploi ; et
  2. a effectué pendant sa période de référence un nombre minimum d’heures d’emploi assurable, qui varie en fonction du taux de chômage régional qui s’applique dans son cas.

Le nombre maximum de semaines pour lesquelles une prestation peut être versée est de 15 pour une maladie, une blessure ou une quarantaine prescrite. Toutefois, le demandeur doit prouver qu’il n’était pas en mesure de travailler en raison de la maladie, blessure ou quarantaine prescrite. Par conséquent, un certificat médical rempli par un professionnel de la santé attestant de l’incapacité de travailler du demandeur est exigé. Normalement, les personnes qui demandent de l’assurance-emploi doivent subir une période d’attente obligatoire d’une semaine avant de recevoir des prestations en vertu de la loi. Toutefois, le gouvernement fédéral a récemment annoncé qu’il levait temporairement cette période d’attente afin de réduire le fardeau des personnes touchées par le virus.

Le gouvernement fédéral a également annoncé des améliorations au Programme canadien de travail partagé, qui est un programme conçu pour aider les employeurs à éviter les licenciements lorsqu’il y a réduction temporaire du niveau normal d’activité de l’entreprise en raison de circonstances indépendantes de la volonté de l’employeur. La durée pendant laquelle un employeur ou un employé peut être admissible à des prestations de travail partagé a doublé, passant de 38 à 76 semaines.

Considérations pratiques

Le gouvernement du Canada recommande aux employeurs de faire preuve de souplesse dans l’application des politiques de congé de maladie, et de séparer et de renvoyer immédiatement chez eux les employés malades ou de les encourager à rester chez eux s’ils présentent des symptômes de maladie respiratoire. Les comités opérationnels et les comités de santé et de sécurité au travail devraient se réunir régulièrement pendant cette période afin de surveiller les niveaux de risque et de mettre en œuvre des plans si une quarantaine partielle ou massive devient nécessaire. Maximiser la capacité des employés de travailler à domicile est un bon point de départ.

Les employeurs devraient également envisager de limiter les déplacements, en particulier dans les zones touchées, et d’encourager les alternatives aux déplacements telles que le télétravail et les vidéoconférences. Lorsqu’un voyage est envisagé, les employeurs doivent passer en revue les « Conseils aux voyageurs » pertinents avant de finaliser ces plans. L’Organisation mondiale de la santé recommande aux employeurs d’éviter d’envoyer les employés ayant une condition médicale préexistante et les travailleurs âgés en mission de déplacement pour le moment. Les employeurs doivent informer pleinement leurs employés des mesures à prendre et des protocoles de contact s’ils tombent malades en voyage.

À retenir

L’émergence de la COVID-19 au Canada engage les obligations législatives, politiques et contractuelles des employeurs envers leurs employés pendant une pandémie. Les employeurs sont tenus de donner priorité à la santé et à la sécurité des employés et d’établir des procédures claires pour faire face au risque croissant de maladie sur le lieu de travail. Les conventions collectives, les politiques et les contrats de travail individuels doivent être consultés avant de prendre des décisions en matière d’emploi.

Les employeurs doivent également être prêts à gérer plusieurs types de congés pris par leurs employés et comprendre les répercussions que ces congés pourraient avoir sur leurs activités commerciales. Quel que soit l’effet final que COVID-19 peut avoir sur une entreprise individuelle, une bonne planification avant une épidémie peut aider à minimiser la perturbation des activités. Cox & Palmer se fera un plaisir d’aider les employeurs à résoudre les problèmes liés au COVID-19 sur leur lieu de travail.

 

Le présent article a été rédigé avec l’aide de Drew Ritchie, stagiaire au bureau d’Halifax de Cox et Palmer.
Drew Ritchie | | 902 491-4107 | dritchie@coxandpalmer.com

 

[1] En N.-É., les articles 43 à 44 ; au N.-B., les articles 19 à 23 ; à T.-N.-L., les articles 45 à 47 ; et à l’Î.-P.-É. les articles 28 à 29.

[2] Le congé sans solde en N.-É. est de 3 jours par an ; au N.-B., il est de 5 jours de congé de maladie sans solde par an et de 3 jours de congé pour obligations familiales sans solde par an ; à T.-N.-L., il est de 7 jours par an pour le congé de maladie et le congé pour obligations familiales ; et à l’Î.-P.-É., il est de 3 jours par an et d’un jour supplémentaire payé après 5 ans d’emploi pour le congé de maladie et de 3 jours par an pour le congé pour obligations familiales.

[3]Voir : N.-É., article 10 ; N.-B., article 7 ; T.-N.-L., article 2(1)(o) et Î.-P.-É., article 6.

[4] N.-É., article 58F ; T.-N.-L., article 6.1.

[5] En N.-É., en vertu de la Loi sur les renseignements personnels sur la santé ; au N.-B., en vertu de la Loi sur l’accès et la protection des renseignements personnels sur la santé ; à T.-N.-L., en vertu de la Loi sur les renseignements personnels sur la santé ; et à l’Î.-P.-É., en vertu de la Loi sur les renseignements sur la santé

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