Jurisprudence récente concernant le programme des candidats provincial
Deol c. Canada (Citoyenneté et immigration), 2013 CF 1147 (jugement : 12 novembre 2013), par le juge Zinn.
La demande de résidence de M. Deol aux termes du Programme des candidats du Manitoba à titre de travailleur qualifié a été rejetée parce qu’il a fait une fausse déclaration ou caché des faits importants qui auraient pu entraîner une erreur dans l’application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27, ce qui contrevient à l’alinéa 40(1)a).
Après avoir parlé à l’employeur de M. Deol et, par la suite, à M. Deol, l’agente a relevé plusieurs incohérences entre leurs affirmations. Après plus de huit mois, une lettre d’équité envoyée à M. Deol soulevait quatre questions, dont deux concernaient des incohérences entre ce que M. Deol et son employeur avaient dit à l’agente. M. Deol disposait de 30 jours pour répondre à la lettre d’équité.
M. Deol a retenu les services d’un avocat canadien pour répondre en son nom. L’avocat, au cours de la période de réponse initiale de 30 jours, a écrit pour demander une prorogation de 90 jours pour répondre. L’avocat de M. Deol a écrit : « [TRADUCTION] Nous avons envoyé une demande de communication pour avoir accès au dossier de M. Deol et aux notes informatiques s’y rapportant […]. Ainsi que vous le savez peut-être, le temps d’attente pour l’obtention des documents peut aller de 45 à 60 jours ». En réponse à la demande de prorogation de M. Deol, l’agente a affirmé : « je ne crois pas qu’une prorogation pour la production de documents soit justifiée en l’espèce ».
Le problème de la réponse de l’agente est que ce qui était demandé de M. Deol dans la lettre d’équité n’était pas simplement de produire des documents, mais plutôt « de faire des commentaires sur la préoccupation susmentionnée ou de faire toute observation ou fournir tout commentaire par écrit ». La Cour a conclu que, « [é]tant donné que les préoccupations de l’agente tel qu’elles sont énoncées dans la lettre d’équité se rapportaient aux affirmations de M. Deol et de son employeur faites quelque huit mois auparavant, et étant donné que les services de l’avocat venaient juste d’être retenus, il n’est guère surprenant que l’avocat souhaitait savoir exactement ce qui avait été dit à l’agente. […] Le fait que l’agente n’a pas consenti à quelque prorogation que ce soit était inéquitable sur le plan de la procédure dans les circonstances, et la décision doit être annulée. La Cour a ordonné qu’un autre agent évalue la demande de M. Deol et que son avocat et lui puissent, au cours de ce processus, répondre aux préoccupations déjà soulevées et à toute nouvelle préoccupation découlant du nouvel examen.
Noreen c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1169 (jugement : 18 novembre 2013), par le juge Zinn.
Un agent des visas a rejeté la demande de résidence permanente qu’avait présentée Mme Noreen dans le cadre du Programme des candidats immigrants pour la Saskatchewan [PCIS] en dépit du fait qu’elle avait obtenu un certificat de désignation de la province. L’agent a exercé le pouvoir de discrétion que lui conférait le paragraphe 87(3) du Règlement sur l’Immigration et la protection des réfugiés et a rejeté la demande parce qu’il n’était pas convaincu que Mme Noreen avait la capacité de réussir son établissement économique au Canada.
Cette décision était fondée sur le fait que Mme Noreen n’avait pas obtenu les résultats requis à l’examen de l’IELTS [Système international de tests de la langue anglaise] pour être en mesure de travailler comme enseignante, même si ses résultats à IELTS étaient supérieurs à la note minimale requise par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) et le PCIS. Dans les notes versées au Système de traitement des données d’immigration (STIDI), l’agent a fait observer ceci :
[TRADUCTION]
Compte tenu du niveau de connaissance de l’anglais dont vous avez fait montre, je ne suis pas convaincu que vous serez capable d’exécuter les tâches de l’emploi que vous envisagez [enseignante à la maternelle ou à l’élémentaire] ni que vous serez capable d’obtenir un emploi au Canada ou, si vous trouvez un emploi, que ce niveau de connaissance suffira pour vous permettre de réussir à vous établir économiquement au Canada.
Pour répondre aux préoccupations de l’agent, Mme Noreen lui a fait parvenir ses résultats à l’IELTS à jour et légèrement supérieurs et expliqué comment elle entendait réussir son établissement économique. Selon ce plan, Mme Noreen se disait disposée à « accepter divers petits boulots » et elle ne prévoyait pas avoir de la difficulté à communiquer étant donné son résultat global de 5 à l’IELTS. Après examen de ces renseignements complémentaires, l’agent a inscrit ces notes dans le STIDI :
[TRADUCTION]
Bien que Mme Noreen ait obtenu un meilleur score à son dernier examen de l’IELTS, sa compétence en anglais semble toujours inférieure à celle qu’il lui faudrait pour se qualifier comme enseignante en Saskatchewan. […] Mme Noreen semble aussi croire qu’elle ne réussira pas à s’établir sur le plan économique tant que sa maîtrise de la langue anglaise ne se sera pas améliorée. Mme Noreen prétend que sa connaissance actuelle de l’anglais ne l’empêchera pas de faire de « petits boulots », mais elle ne mentionne pas avoir eu une quelconque offre d’emploi.
La Cour a conclu que, « lorsqu’il doit déterminer si un demandeur réussira à s’établir sur le plan économique au Canada, un agent ne devrait pas au départ s’arrêter à la formation et au métier du demandeur. […] Toutefois, je conviens […] “que la Cour n’a trouvé aucune disposition législative qui oblige quelqu’un à devenir autonome sur le plan économique dans la profession à laquelle il est admissible ou que cette personne entre sur le marché du travail et exerce une profession déterminée à son arrivée au Canada.” En conséquence, [si l’agent] ne peut conclure, après examen de la profession en question, que le demandeur réussira à s’établir économiquement, l’agent doit chercher des renseignements complémentaires. Je suis convaincu […] que c’est bien ce que l’agent a fait : il a pris en considération ce que la demanderesse a déclaré avoir l’intention de faire, à savoir de « petits boulots », et a conclu qu’elle ne réussirait quand même pas à s’établir sur le plan économique ».
La Cour a également jugé que, « il n’était pas déraisonnable pour l’agent de conclure que l’intention de faire de petits boulots, probablement à temps partiel ou de manière occasionnelle puisque Mme Noreen comptait fréquenter l’université, ne peut constituer la preuve de sa capacité de s’établir sur le plan économique » et que « Mme Noreen n’aurait pas été capable de subvenir pleinement à ses besoins et à ceux de ses trois filles, même avec l’aide de son époux (qui comptait travailler comme gardien de sécurité), si elle ne travaillait qu’à temps partiel ou de manière occasionnelle ». En outre, « quoique [Mme] Noreen soit consciente des difficultés qu’elle devra surmonter pour obtenir son brevet d’enseignement en Saskatchewan, [elle] ne donne aucune idée du temps que ce processus lui prendra. Elle voit la lumière au bout du tunnel, mais ne dit pas à l’agent combien de temps il lui faudra pour arriver à la fin du tunnel, si jamais elle y arrive! ». En conséquence, la Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire de Mme Noreen.
Les candidats aux termes du Programme des candidats du Nouveau-Brunswick peuvent tirer les leçons suivantes des deux jugements précédents :
- Être désigné par le Nouveau-Brunswick aux fins de la résidence permanente n’assure pas au candidat que CIC acceptera sa demande de résidence permanente. Les agents de CIC jouissent d’une discrétion que leur confère la Loi pour rejeter une telle demande ;
- Lorsqu’un candidat reçoit une lettre d’équité qui impose un délai de réponse, le fait de retenir les services d’un avocat compétent peut aider le candidat à fournir une réponse adéquate en temps opportun et pour veiller à ce que ses droits en matière d’équité procédurale soient respectés ;
- L’obtention d’un résultat supérieur à la « note minimale » requise à l’examen de l’IELTS ne révèle que la raison pour laquelle un candidat n’a pas été immédiatement exclu. Ce résultat, à lui seul, ne démontre pas que le candidat établira son indépendance économique au Canada, ni comment il y parviendra ; et
- En présentant un plan d’établissement de son indépendance économique au Canada, un demandeur devrait décrire en termes concrets les démarches et les délais envisagés quant à la façon et aux moments de cet établissement économique.